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Loi Pacte : le point de vue de l’expert-comptable

Hubert Tondeur, directeur du département CCA du Cnam, professeur du Cnam

Publié le 29 novembre 2018 Mis à jour le 1 avril 2022

La loi Pacte conduit à ce que les seuils français déclenchant l'obligation de recourir à un commissaire aux comptes pour une PME soient relevés au niveau des seuils européens. Désormais, seules les entreprises remplissant deux des trois conditions suivantes - un bilan d'au moins quatre millions d'euros, un chiffre d'affaires d'au moins huit millions d'euros et un effectif d'au moins cinquante personnes - auront l'obligation de faire certifier leurs comptes annuels par un commissaire aux comptes.

Selon l’étude menée par l’IGF (inspection générale des finances), cela permettrait aux petites entreprises situées sous ces seuils d'économiser 5.500 euros en moyenne. Mais comme chacun le sait la moyenne n’est pas la meilleure mesure d’appréciation des phénomènes et sous ces 5500 euros se cachent de nombreux mandats dont les honoraires sont bien plus faibles et d’autres certainement plus onéreux au regard respectivement de la simplicité ou de la complexité des opérations menées par ces PME.

Par ailleurs la notion d’économie à hauteur de la somme indiquée n’aura guère d’influence sur la performance des entreprises surtout si nous mettons en reflet les erreurs comptables, fiscales, sociales ainsi que les risques de fraudes que pouvaient mettre en évidence et faire corriger les commissaires aux comptes. Pour mesurer l’impact réel d’une telle mesure, il aurait été judicieux d’apprécier le montant des ajustements induits par les missions des commissaires aux comptes et d’évaluer la perte de chance qu’impliquera l’absence de ces missions d’audit en termes de litiges, contentieux et fraudes pour l’entreprise

Même si les seuils européens existent, est-il nécessaire de les prendre pour argent comptant ? Correspondent-ils à la réalité des PME françaises dont on nous dit depuis des années qu’elles peinent à se développer et à devenir des ETI (entreprises de taille intermédiaire) ? N’aurait-il pas été plus judicieux de fixer des seuils intermédiaires ?

Vers une nouvelle définition des missions du commissaire aux comptes...

Mais arrêtons là le débat, car même si la Compagnie nationale des commissaires aux comptes a essayé de défendre cette position, elle semble avoir fait face à un mur d’incompréhension qui va bien au-delà des seuils... L’articulation des missions de l’expert-comptable et du commissaire aux comptes qui peut paraître théoriquement simple - le premier établit, le second contrôle et audite - est bien plus complexe en réalité et peut tout à fait laisser planer le doute d’une surenchère dans le traitement des états financiers des PME où les experts comptables sont très présents.

La messe est dite, les seuils européens seront appliqués avec un effet d’atténuation pour les groupes qui dépassent globalement les seuils dont la certification des comptes sera obligatoire.

Maintenant, et c’est le sujet des actuelles Assises de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, il faut repenser les missions du commissaire aux comptes. Et cela doit se penser dans un nouveau paradigme, celui de l’utilité reconnue par le client. Car dès lors que les nouvelles missions du commissaire aux comptes ne seront plus obligatoires seul leur intérêt avéré pour l’entreprise et par son dirigeant pourra faire que ce dernier y aura recours.

Repenser les missions c’est aussi mettre en place un plan de formation et de communication important auprès des professionnels de l’audit et des clients. Il va falloir créer l’offre et faire émerger une demande...

Un coup de semonce dans l'univers de la comptabilité

Mais au-delà de la seule mutation de l’audit et des commissaires aux comptes, cette réforme est un coup de semonce dans l’univers de la comptabilité car elle est le signe annonciateur de la disparition peu ou prou et à plus ou moins long terme des obligations et des prérogatives d’exercice. Ce n’est pas une attaque contre les professions réglementées en tant que telles c’est une adaptation de leur fonctionnement à l’environnement européen et international ainsi qu’aux mutations technologiques.

C’est pourquoi la mutation du commissaire aux comptes doit s’accompagner de celle de l’expert-comptable au travers d’une refonte totale de l’organisation professionnelle, des champs d’intervention et des missions des deux professions.


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