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Loi Pacte : le point de vue du fiscaliste

par Jean-Pascal Regoli, professeur en droit fiscal

Publié le 20 novembre 2018 Mis à jour le 1 avril 2022

Le chef d’entreprise n’imagine pas lancer une nouvelle activité ou un nouveau produit sans rechercher au préalable les besoins du marché. Il analyse les données de l’environnement économique avant de prendre ses décisions. La fiscalité doit être intégrée dans les données de l’environnement économique de l’entreprise

La fiscalité, actrice ou spectatrice ?

Face aux décisions de l’entreprise, la fiscalité peut être actrice ou spectatrice. Elle sera actrice lorsqu’elle utilisera son pouvoir incitateur pour orienter les décisions de l’entreprise. Les choix fiscaux constitueront un outil au service d’une certaine politique économique et sociale. Elle sera au contraire spectatrice lorsque face à une décision « juridico-économique », la fiscalité réagira d’une certaine façon. Mais la fiscalité est tellement vivante qu’elle possède le pouvoir de traverser facilement la scène et de se transformer d’actrice en spectatrice ou inversement.

Il y a interaction de la fiscalité sur les décisions de l’entreprise. Maintes décisions prises dans l’entreprise ont des conséquences fiscales qu’il est possible de prévoir et réciproquement, certaines décisions seront prises en fonction des conséquences fiscales qu’elles engendrent. Il y a une relation symétrique pour reprendre le langage des mathématiciens entre la fiscalité et l’entreprise.

Le droit fiscal au service du développement économique et social ?

Quotidiennement l’entreprise effectue des choix juridiques, économiques ou financiers en retenant certains objectifs jugés prioritaires par rapport à d’autres. La fiscalité, tenant une place importante dans l’espace où gravite l’entreprise, doit être intégrée dans les objectifs fixés pour la prise de décision. L’entreprise ne doit pas être passive en respectant simplement ses obligations fiscales, mais elle doit être active en mesurant l’effet économique, social, environnemental, financier… de l’application de la règle fiscale. Le droit fiscal doit être au service du développement économique et social. L’Union européenne est une réalité dans notre droit fiscal, qui doit être une opportunité pour le développement des entreprises.

La loi n° 2018-898 sur la lutte contre la fraude fiscale a été votée et publiée au JO du 24 octobre 2018. Aujourd’hui, la loi pour la croissance et la transformation des entreprises est en discussion devant le Parlement.

  • Les effets de seuils pouvant constituer un frein à la croissance des entreprises, un grand nombre de seuils serait relevé (seuils de 11, 50 et 250 salariés seraient privilégiés). L’effectif DSN (déclaration sociale nominative) serait remanié et étendu à plus de seuils. L’effectif sécurité sociale concernerait d’autres législations et serait remanié. Le seuil devrait être atteint pendant 5 ans consécutifs pour produire effet. Il faudrait que l’effectif moyen d’une année civile soit inférieur au seuil pour que l’entreprise soit dispensée de l’obligation correspondante sur les 5 années suivantes. Les dispositifs actuels de lissage seraient maintenus à titre transitoire. Les entreprises de 200 salariés devraient continuer à avoir un local syndical. Les entreprises ayant un local de restauration avant la loi devraient le conserver après l’adoption de celle-ci.

Concernant l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, il est prévu d’étendre aux entreprises de portage salarial et aux groupements d’employeurs le principe déjà applicable aux entreprises de travail temporaire et qui serait maintenu, selon lequel seuls les salariés permanents sont pris en compte dans l’effectif d’assujettissement à l’obligation d’emploi. Le recours au Titre emploi-service agricole ne serait plus subordonné à une condition d’effectif. Le seuil conditionnant le maintien de l’inscription au répertoire des métiers serait supprimé. La réforme des seuils viserait certains régimes fiscaux, notamment certains régimes dits « zonés » applicables en matière d’imposition des bénéfices ou de cotisation foncière des entreprises.

  • Concernant la participation et l’intéressement, le calcul de l’effectif serait effectué selon les règles du code de la sécurité sociale. Un régime d’intéressement, de participation ou de plan d’épargne salariale devrait être négocié par branche au plus tard le 31 décembre 2020. Le statut de conjoint collaborateur ou associé bénéficierait au partenaire lié par un Pacs. Une exonération de forfait social serait plus ou moins étendue pour les petites entreprises. L’exercice à partir duquel l’entreprise devient assujettie à la participation serait précisé. En cas de transfert d’entreprise, la poursuite de l’accord d’intéressement serait favorisée. Les droits du conjoint dirigeant en matière d’intéressement feraient l’objet d’un plafonnement moins avantageux. Une majoration de l’abondement au plan d’épargne entreprise dans de nouvelles conditions, avec un forfait social réduit serait envisagée. Les entreprises pourraient effectuer un versement sur le plan d’épargne entreprise (PEE) en l’absence de contribution du salarié. Les bénéficiaires des plans d’épargne recevraient un relevé annuel de situation. La mise en place du plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) serait facilitée.

Concernant la gestion du Perco, le Fonds commun de placement d’entreprise diversifié pourrait détenir jusqu’à 10 % de l’entreprise. Les avoirs du PEE pourraient être liquidés pour l’acquisition de parts de l’entreprise. Les adhérents à un plan d’épargne salariale seraient aidés dans leurs décisions de placement. L’alimentation des fonds commun de placement (FCPE) de reprise d’entreprise serait favorisée. En cas d’augmentation de capital réservée aux adhérents d’un PEE, la limite inférieure du prix de souscription serait relevée. Le taux réduit du forfait social à 16 % aujourd’hui prévu pour certains Perco serait étendu. Le plafond individuel d’intéressement serait relevé. L’accord d’intéressement pourrait prévoir la répartition du reliquat. La formule de calcul de l’intéressement pourrait comporter un objectif pluriannuel. Le plafond des salaires pris en compte pour la répartition de la participation serait réduit. Le décompte de la limite de distributions gratuites d’actions serait assoupli. L’organe d’administration ou de surveillance viendrait débattre avec le comité social et économique des orientations stratégiques.

  • Certaines formalités seraient simplifiées. Un guichet unique électronique remplacerait les différents réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE). Une période transitoire serait prévue. Un registre dématérialisé des entreprises serait créé. Pour les créateurs d’entreprises artisanales, le stage de préparation à l’installation deviendrait facultatif.

  • D’autres mesures sont envisagées. Les bonus des preneurs de risques des établissements financiers relèveraient d’un régime spécifique. Une ordonnance facilitera l’acquisition des droits à retraite supplémentaire. Le nombre d’administrateurs salariés dans les grosses sociétés serait renforcé et la formation de ces administrateurs serait améliorée. Faute de déclarer un statut, le conjoint salarié du travailleur indépendant serait réputé salarié. L’inscription du privilège de l’Urssaf se ferait à date fixe. Le contrat de chantier serait étendu aux établissements publics à caractère industriel et commercial et à certaines fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique. Le régime des volontaires internationaux en entreprise serait modifié.

Certaines mesures seront intégrées dans le projet de loi de finances pour 2019 ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 pour entrer en vigueur dès le 1er janvier 2019. L’Union européenne a besoin d’une politique fiscale cohérente et harmonieuse. Osons espérer à un développement d’une politique fiscale européenne.


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